Nous avons voté en juin 2007.
Nous sommes en septembre 2009.
L’actuel ministre de la Défense a pris ses fonctions en décembre 2007 après six mois de cafouillages pour la constitution de « l’Orange bleue » qui n’a finalement jamais vu le jour.
Depuis vingt-deux mois, que s’est-il passé ?
Que s’est-il donc passé pour que le département de la Défense, transmis en bonne santé, se retrouve aujourd’hui dans une telle tourmente ?
Je rappelle que de 1999 à 2007, les deux gouvernements Verhofstadt – et moi-même titulaire du portefeuille durant les deux législatures – ont entamé un travail de longue haleine, portant sur la transformation, étalée sur quinze années, des Forces armées. Celles-ci ne correspondaient, en effet, plus au monde dans lequel elles évoluaient, notamment depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Cette transformation a été préparée, négociée avec les partis de la majorité de l’époque mais aussi avec la hiérarchie militaire et les organisations syndicales, conditions sine qua non de la réussite. La concertation génère la cohérence dans l’action et la bonne entente entre les divers groupes concernés. Tout au long des discussions, la priorité a été accordée au personnel.
Le travail était en cours.
Le calendrier était respecté.
Les frais de fonctionnement diminuaient.
Les charges en personnel diminuaient aussi, mais sans heurts.
Les investissements avaient été décidés et les moyens étaient disponibles, notamment via le système des tranches optionnelles que l’on peut lever si besoin et après évaluation, ce qui évite les dépenses inutiles.
Il existait un plan relatif aux infrastructures et là aussi, cela se faisait en concertation, notamment avec les autorités locales pour utiliser au mieux le patrimoine et éviter le développement de chancres
Quant aux opérations à l’étranger, nous étions au Kosovo, en Afghanistan, au Liban, et nous participions à divers mandats onusiens au bénéfice de pays africains. Notre solidarité internationale n’a jamais été prise en défaut. A chaque fois, la Belgique a répondu aux appels de l’ONU, de l’Europe ou de l’OTAN, tout en précisant les limites de son intervention.
Durant ces huit années et demie, le département de la Défense n’a pas fait appel à des moyens budgétaires supplémentaires. Cela lui aurait de toute manière été refusé, compte tenu des autres priorités gouvernementales.
Nous étions sur la bonne voie, vers une armée, certes plus humanitaire, tournée vers la société civile, plus petite, bien équipée, disposant des moyens adéquats pour répondre aux missions compatibles avec le niveau d’ambition que les gouvernements de l’époque avaient définis, après approbation du Parlement.
Alors, que s’est-il passé depuis ?
Que s’est-il donc passé pour qu’il y ait un tel malaise aujourd’hui ?
L’actuel titulaire du département, au lieu de s’inscrire dans la continuité, par ailleurs prévue dans l’accord de gouvernement, veut, à tout prix, seul et sans concertation de quelle que sorte que ce soit, marquer une rupture brutale, rapide et complète. Ce virage à 180°, cette attitude autoritaire et unilatérale, est-ce un besoin viscéral de se démarquer, de prouver qu’il existe ?
En procédant ainsi, il s’isole de plus en plus et un tel isolement n’est pas un gage de réussite. On le constate aujourd’hui. Non seulement, il referme la Défense sur elle-même mais il fait aussi courir de plus grands risques au personnel et cela, me semble particulièrement grave.
La formule est simple : il veut réduire le personnel en place sans obtenir la fidélisation du personnel nouvellement engagé. Et, à partir des économies réalisées sur le poste « Personnel », il veut financer les engagements vers plus d’opérations extérieures.
Pour reprendre une image militaire, il voudrait faire faire à un ULM, les performances d’un F-16 !
Son obsession de faire réaliser par la Défense belge des missions au-delà du niveau d’ ambition tel qu’il a été défini, avec les moyens correspondants, vont immanquablement conduire à des accidents comme ceux que l’on a connu en 1994, au Rwanda.
Les ingrédients sont là. Les militaires, à commencer par leur Chef d’Etat-major, l’ont bien compris. Il est maintenant temps que le ministre entende, écoute et accepte de considérer qu’il se trouve dans un gouvernement et que les critiques de la politique qu’il mène ne sont pas destinées à le détruire politiquement mais visent plutôt à le protéger et surtout à éviter que son aveuglement, son obsession d’avoir une armée de guerre, ne plonge l’ensemble des responsables politique et les Forces armées, dans la tourmente.
Ce dont personne n’a besoin.
Le problème a aujourd’hui dépassé l’individu ; il interpelle l’ensemble de la classe politique et, même si des décisions ont été prises, c’est un signe d’intelligence et de sagesse de parler des choses en transparence, d’évaluer la situation sans complaisance et de revoir ses décisions car « Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre » !
André Flahaut
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