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André Flahaut

André Flahaut

Ministre d'État, Ministre de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Président honoraire du Parlement


Prestation de serment des membres de la commission vie privée

Publié par le Blog d'André Flahaut sur 3 Mai 2013, 17:46pm

Catégories : #Discours

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Madame, Monsieur,

 

Ce jour sera pour vous un moment de solennité. Il sera pour chaque citoyen la garantie que l’Etat, par votre intermédiaire, s’engage à protéger chaque élément de sa vie privée, cette garantie étant, il n’est pas inutile de le rappeler, inscrite dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. On parle donc bien de droit.

Le droit, donc la liberté,  de soustraire au regard d’autrui toute une série d’éléments relatifs à notre vie personnelle.

 

Cette liberté a toujours été menacée, essentiellement par des régimes autoritaires ou dictatoriaux mais aussi par des particuliers ou des groupes dont on peut douter de la qualité de  leurs intentions.

 

La surmédiatisation et le développement des nouvelles techniques d’investigation de plus en plus performantes complexifient jour après jour  le travail de celles et ceux  qui œuvrent au respect du droit de chacun.

Les champs d’application sont, par ailleurs, de plus en plus larges.

C’est ainsi qu’en Allemagne, pas moins de 240.000 citoyens ont demandé la suppression de toute image de leur domicile sur « Street View » !

Il y a quelques années, cela était difficile à imaginer.

Mais je m’en voudrais  Madame, Monsieur, de déjà vous décourager …

 

Certes, il n’y a pas lieu de minimiser les avantages de certains outils mais nous ne pouvons – en aucun cas – ignorer ou sous-estimer les dommages collatéraux et autres mises en péril de tout ce qui concerne ce droit fondamental qu’est le respect de la vie privée.

 

Secret bancaire ou données médicales, droit à l’image et caméras de surveillance, secret professionnel ou écoutes téléphoniques, cybersurveillance ou accès au registre national, préférences sexuelles ou passé judiciaire, opinions philosophiques ou traitement de données à caractère personnel, ce ne sont que quelques exemples des sujets qui entrent dans les compétences de la commission que vous intégrez aujourd’hui

 

Il vous sera demandé de les considérer, de les légitimer, de les défendre, de les respecter, d’envisager les possibles  levées du secret s’il s’avère indispensable pour prodiguer des soins par exemple – mais cela sera toujours très difficile à analyser - ou de prendre en compte le consentement de l’intéressé qui s’avérera le cas de figure le plus aisé, mais pas nécessairement.

Imaginons qu’il y ait conjointement une suspicion d’« abus de faiblesse » …

 

Si, un jour, on intègre les données de la Carte SIS à la Carte d’Indentité,  pourront-elles être lues par les commerçants ? Quand on propose aux citoyens que leur carte d’identité serve à fidéliser, les fins lucratives sont-elles si loin ? A priori : les avantages séduisants et concrets, en face : la protection de la vie privée parait abstraite et lorsqu’on la défend, on peut avoir l’air rétrograde ou passer pour un trouble-fête.

On nous dira que le client pourra sélectionner les données qu’il accepte de céder. Le fera-t-il systématiquement ?

 

Si l’on place des boites noires dans chaque véhicule, jusqu’où les compagnies d’assurance s’en serviront-elles ?

 

Et les indiscrétions de la presse auront beau jeu de s’opposer à la liberté de la presse …

En quelque matière que ce soit, tout vous sera délicat à déterminer. Quelle que sera la nouvelle application ou avancée technologie, il vous sera impossible de faire l’impasse sur une réflexion profonde quant à ses conséquences sur la vie privée.  Vous aurez à vous interroger sur sa légitimité et les risques de dérives qu’elle renferme peut-être.

 

Vous serez entre les règles du droit et les prévisions. Tel le joueur d’échecs, il vous faudra toujours avoir un « coup d’avance », être dans l’anticipation et l’analyse, être capable de vision globale, d’objectivité, de rigueur. Il vous faudra aussi, sans doute, souffrir d’un zeste de paranoïa afin de rester en alerte permanente.

 

Madame, Monsieur, les exigences que symbolise votre prestation de serment ne sont pas une charge mais seront votre responsabilité et votre contribution à la qualité de notre démocratie. La confiance qui vous est aujourd’hui accordée et l’engagement qui la définit sont dès à présent votre honneur et grandit celui de notre assemblée.

 

Je vous dis mes sincères félicitations et vous remercie d’ores et déjà de la qualité de votre investissement au sein de la Commission de la Vie privée.

Bon travail à toutes et tous.

 

André Flahaut

 

 

 

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